Broyage à la tondeuse

Broyer ! Voilà une nouvelle activité jardinière… qui – disons-le tout net- présente bien des limites. Certes, le petit broyeur de jardin permet d’avaler branches et tailles qui ne finissent pas en grand feu – rappelons au passage que le feu des déchets verts est interdit en France depuis une bonne décennie. Pas de déchèterie non plus avec ses longues files d’attente, la remorque, la voiture, le coût et l’énergie que tout cela représente pour le jardinier lui-même, mais aussi pour la collectivité qui doit stocker, transporter, transformer ces déchets verts. Avec évidemment un intérêt majeur dans l’usage du broyeur : disposer chez soi d’une petite quantité de broyat qui, fissa, partira en paillage.

Pourtant. Pourtant, cette idée que tout jardinier possède une nouvelle machine à moteur n’est pas dans l’air du temps. Notre planète est en sursis, nous n’avons plus d’autres choix que d’aller vers la sobriété qui commence là, au jardin, par l’économie d’outils. Et voilà que la tondeuse entre en jeu ! Nous l’avons déjà celle-ci. Pourquoi ne pas lui faire adopter une nouvelle pratique : participer à sa façon au broyage des tiges sèches et branches vertes de diamètre raisonnable. Ça marche, et c’est rapide ! Il suffit de disposer nos matières sur le sol puis de passer la tondeuse en plusieurs va-et-vient pour récupérer le broyat vert dans le bac. Toute branche verte d’une section égale à un crayon se broie avec facilité.

À y regarder de près, nous avons finalement beaucoup de petits branchages et rameaux au jardin : framboisiers, topinambours, tailles diverses, jeunes branches de sureau, noisetiers, prunus ou tilleuls… Quant à la piquante ronce, elle sera destinée à rejoindre la haie sèche, avec les plus grosses branches de nos tailles hivernales. 

La haie sèche

On l’appelle « haie sèche ». Ou « haie de Bentjes », du nom de cet écologue allemand qui a promu ce système d’entassement linéaire de branches mortes. « Haie morte » fut aussi usité, à mauvais escient me semble-t-il : que de vie dans cette haie ! 

Insectes, oiseaux et escargots, reptiles ou mammifères trouvent là un lieu de cachettes, rencontres amoureuses, pontes et discrètes nidifications. Le principe est simple : disposer – afin de délimiter un espace – un alignement double de piquets, pour y ranger au mieux et au fur et à mesure de leur production les branches d’élagage, tailles, rameaux, ronces dont on ne sait que faire.

Au fil du temps les branches vont s’affaisser et se décomposer tout en lenteur, en offrant de sacrés avantages. Passons-les en revue.

Le premier est pour le jardinier : fini les corvées de déchetterie, de remorques à atteler et remplir, fini les feux -par ailleurs interdits par la loi ! Une fois la structure en place, il suffira de disposer les branchages sans autre effort à fournir, le temps se chargeant de transformer ces matières qui retournent à la terre sans pollution.

Le deuxième, nous l’avons vu, est de participer à un havre de biodiversité. Ils l’auront vite identifiée, cette place des rencontres, confluence des amis ailés, des quatre, six et huit pattes, de ceux qui rampent où s’élèvent ! 

Troisième bénéfice : voilà un support fertile (pensons au bois qui se décompose et nourrit le sol) pour grimpantes végétales : houblon, clématite, ou celles qui savent offrir des fruits d’automne : vignes, kiwai…

Quelques conseils pour bien réussir sa haie sèche : dans l’alignement, planter des piquets tous les mètres environ. Ce faible espacement facilitera le rangement définitif des branches qui resteront bien disposées. L’effet visuel est meilleur. Prévoir, pour la largeur une distance de cinquante centimètres au moins entre deux piquets en vis-à-vis. Ainsi, le jardinier pourra monter périodiquement sur la structure et marcher sur les branches afin de les tasser. Voici de la place libérée : c’est magique, la haie sèche !

Tondre autrement

De l’herbe ! Encore de l’herbe, gazon, pelouse, peu importe comme on l’appelle !

Ça pousse, ça pousse fort, surtout au printemps, lorsqu’eau et soleil conjuguent leur élan pour transmettre une belle vitalité à tout ce qui est vert, qui grandit, qui fabrique de la matière organique, chère matière organique !

Oui, mais voilà : le jardinier lui, – même s’il est un peu permaculteur ou passionné des bêtes et fleurs du gazon – a appris à maîtriser tout ce qui s’épand en tiges, bourgeons, lianes infinies, pour ne pas être témoin de la transformation rapide du jardin en forêt impénétrable. Las, ce jardinier règle la hauteur de coupe au plus bas, fait pétarader la tondeuse bruyante, et régularise cette herbe échevelée enfin domptée.

Sauf que. Sauf que plus on la coupe, plus elle pousse cette diablesse ! Et plus on rase de près, plus on fragilise ce gazon qui jaunit aux ardeurs du soleil d’été. Alors ? Alors pour épargner la petite faune secrète coureuse des herbes, voilà une première bonne idée : monter au maximum la hauteur de la lame. Le jardinier y gagnera en nombre de passages et l’herbe verte le restera plus longtemps. Cette tonte-là, nous n’allons pas la laisser sur place façon mulching, surtout si l’on est potagiste avéré : en paillage peu épais –disons un à deux centimètres d’épaisseur- au pied des tomates, haricots ou laitues, voilà un apport nutritif et protecteur de haute qualité. Un geste fertile en somme ! La terre et les légumes vont s’en délecter… À renouveler autant qu’on le souhaite. Une deuxième idée participant à la bonne entente entre voisins : diminuer les sorties dominicales de notre machine en laissant sur quelques mètres carrés l’herbe vivre sa vie… jusqu’à la sortie de la faux, outil simple, économique et efficace s’il en est, pour produire cette fois-ci un paillage plus coriace, aux tiges longues, qui trouvera sa place entre les rangs de patates !