Aujourd’hui au jardin : la mort des pucerons

Ils étaient des centaines à sucer la sève sucrée des choux Kale Red Russian, depuis des semaines.
Nous, jardiniers, on se fiche bien de ce prélèvement qui arrive en année 2. Comprenons par-là que cette bisannuelle semée il y a juste un an et consommée feuille à feuille cet hiver ne nous propose plus grand-chose à croquer ces temps-ci.

Mieux : elle se concentre sur la fabrication des graines, petites perles cachées dans les siliques, sorte de capsules hermétiques allongées, cadeau de ce chou au jardin et au jardinier qui bénéficient ainsi de semences produites en circuit court. Les pucerons n’y touchent pas, seules quelques punaises au rostre affûté arrivent parfois à percer ces fruits.

Le chou, finalement, il fait sa vie, à donner ce qu’il peut, et offre même un peu de sucre aux pucerons. Tout va bien.
Puis elles sont arrivées discrètes et même invisibles aux yeux des autres êtres du jardin : les aphidius.

Description de la scène. La minuscule guêpe parasitoïde repère son hôte, se positionne à ses côtés et le pique en injectant un œuf – un seul, dans son corps.
L’opération est renouvelée sur toute la fratrie, condamnée.
Il vit encore, le puceron, et va vivre quelque temps en portant en lui la cause de sa mort annoncée : l’œuf d’abord, bien au chaud et protégé, puis la larve qui va le grignoter tranquillement de l’intérieur en commençant par les organes non vitaux comme pour faire durer le supplice.

Peu de temps après cette mort, l’aphidius se transforme, toujours protégée, puis grignote l’enveloppe du cadavre pour s’en extraire et vivre au jardin sa vie de parasitoïde.
La dépouille du défunt ressemble à une petite boule percée, chapelet de cadavres observé sur les choux (photo).

Tout est mort, plus rien ne bouge, exit les pucerons : les insectes sont bien les premiers et les plus efficaces des insecticides !

Aujourd’hui au jardin : laisser grainer


Jardin en mouvement, jardin surprise, jardin qui se dessine. Parce qu’elles se déplacent, les plantes ! À dos de fourmi, élevées par le vent, sous les pattes d’un oiseau … les graines volent, tombent, s’accrochent, se transportent et trouvent de quoi germer à la faveur d’un coin de terre sombre et humide.


Ça se compte en jours ou en années. Au milieu des oignons apparaissent quelques blettes à couper. La coriandre s’élève, gracieuse, au-dessus d’une canopée d’alliacées. L’arroche magenta perce parmi les pommes de terre. La nigelle de Damas s’étend… partout ! Et si la sauge sclarée reste plus mesurée dans ses migrations, une fois bien ancrée, elle peut se montrer exubérante. Ici elle a choisi de se camper dans un passe-pied… nous passerons ailleurs !


Le jardinier chemine dans le temps avec ce jardin-là, celui qui déborde un peu, celui qui sort du rang. Parce que les plantes, allez les tenir bien droit à leur place ! Qui a dit que ces êtres ne connaissaient pas le mouvement ? Elles bougent ainsi, et donnent au jardin ce changement de paysage improvisé, lent mais certain.


C’est en laissant grainer fleurs et légumes qu’on s’offre ces apparitions soudaines, surprises des mois de printemps. Au passage, il faut bien reconnaître que ces semis spontanés donnent l’impression d’une parfaite réussite qui rend envieux le jardinier. Pourtant – et bien qu’elles poussent avec vigueur, nul ne connaît le nombre de semences disséminées. L’efficacité du semis sauvage est-elle toute relative ? Des millions de projets pour de maigres succès ?


Pour les jardiniers arrive le moment du choix : jungle potagère ou ordonnancement à la française ? Peut-être un peu des deux ? Pour moi, tout est dans la mesure : composer avec ce paysage spontané et, tout de même, organiser l’espace.
C’est ce moment-là que j’aime : décider de laisser, ou d’arracher, ou de transplanter. Un petit jeu de façonnage qui ne répond à aucune planification, qui s’inspire du moment et du jour.


Laisser grainer. Plutôt facile pour les annuelles, celles qui, rapides, ont décidé de tout boucler la même année : germination, croissance, floraison, fructification… et production de graines. Coquelicots, pavots et nigelle … arroche, laitue, coriandre et mâche. Pour les bisannuelles, il conviendra d’être un plus patient et de les laisser au jardin tout l’hiver. Cardes et persil vont monter en flèche au printemps de leur deuxième année et libérer leurs semences alentour.


Certaines germeront pour dessiner, sous l’influence des mouvements de terre, des animaux, des gestes involontaires ou mesurés du jardinier, une géographie nouvelle de notre petit espace jardiné.

Paillons, paillons, paillons !

Toute cette pluie ! 20 mm. Puis 25. Et celles d’avant ! Voilà que le sol, en ce début juin, est humide à souhait, bien arrosé par ces bienvenues pluies printanières. Joie du jardinier ! Tout devient vert, tout pousse.

Parce qu’il est l’heure pour les plantes de grandir, de produire de la matière, sous la chaleur de ces jours longs. C’est le temps de l’exubérance et du foisonnement.  Leur projet : fleurir, fructifier, se reproduire. Toute cette eau du ciel : gardons-la bien en réserve, dans le sol. Tellement précieuse en amont de l’été et des chaleurs à venir.

Paillons, compagnons ! Toute la matière organique morte qui couvre le sol limite l’évaporation, et maintien une vie microbienne bienfaitrice à la surface du sol vivant. Foin, paille, herbes, fanes et compagnies : au sol ! Aux vers ! Aux bactéries !

Le geste est simple et le résultat efficace : déposons nos dits déchets verts autour de nos protégées pour gagner beaucoup : temps de désherbage, voyages en déchèteries… et de l’eau pour les fruits, feuilles, fleurs, racines et tubercules. L’eau de juin, cet or du jardin.